Mémoire présenté au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes

Résumé

Au cours des 10 prochaines années, la demande pour des physiothérapeutes au Canada dépassera le nombre de nouveaux chercheurs d’emploi qui font leur entrée dans la profession. La pénurie de main-d’oeuvre dans le secteur est bien enracinée dans tout le pays, et le vieillissement de la population, jumelé à une espérance de vie plus longue, signifie que la demande pour des professionnels de la santé, notamment des physiothérapeutes, des technologues en physiothérapie et des aides-physiothérapeutes, est appelée à augmenter fortement. Cela entraînera une réduction de la disponibilité des services de physiothérapie, alors que les membres de la profession connaissent déjà l’épuisement et le surmenage. Malheureusement, l’expérience de ceux qui travaillent dans le secteur a été assombrie par les répercussions de la COVID-19 sur le système de santé canadien.

L’Association canadienne de physiothérapie (ACP) recommande ce qui suit :

  1. Concevoir une stratégie d’investissement ciblée et complète pour les zones rurales, éloignées et nordiques afin d’accroître l’accès aux services de physiothérapie dans les localités et les populations mal desservies.
     
  2. Adopter une approche ciblée pour améliorer l’accès aux services de physiothérapie, notamment en :
    • favorisant le recrutement et la rétention de physiothérapeutes dans les milieux ruraux et les régions éloignées du Canada et en étendant à cette profession l’exonération de remboursement du prêt d’études.
    • Rendre permanente la suppression temporaire de l’exigence de référence pour le remboursement des services de physiothérapie par le Régime de soins de santé de la fonction publique.
    • Investir stratégiquement pour améliorer l’accès aux services de télé-réadaptation dans les communautés autochtones isolées ainsi qu’aux services de réadaptation dans les milieux ruraux, éloignés et nordiques, notamment en améliorant leur coordination.
       
  3. ​Mieux intégrer les physiothérapeutes dans le cadre plus large de la planification des politiques de santé fédérales en tant que partenaire essentiel du système de santé. Cette mesure pourrait contribuer à résoudre les problèmes actuels de ressources humaines causés par la COVID-19 dans le milieu de la santé et rendre les soins interprofessionnels plus efficaces et plus efficients.

À propos de l’Association canadienne de physiothérapie

L’Association canadienne de physiothérapie (ACP) représente 17 000 professionnels et étudiants en physiothérapie au Canada. Les membres de l’ACP sont des professionnels de la réadaptation qui se consacrent à la santé, à la mobilité et au traitement des blessures et des maladies des Canadiens. En collaboration avec ses sections provinciales et territoriales et avec ses divisions, l’ACP permet à ses membres d’approfondir et de mettre en commun leurs connaissances et d’enrichir leur pratique. Elle offre des ressources, organise des formations, contribue à l’avancement du savoir et fait valoir la profession afin de permettre aux physiothérapeutes de mieux servir la population.

Recommandations

Dans le cadre de la mission de l’ACP d’assurer un accès équitable à la physiothérapie au Canada et de soutenir ses membres, nous nous engageons à travailler avec le gouvernement pour résoudre ces problèmes dans notre secteur d’activités. Nous demandons au Comité d’étudier les recommandations suivantes.

  1. Concevoir une stratégie d’investissement ciblée et complète pour les zones rurales, éloignées et nordiques afin d’accroître l’accès aux services de physiothérapie dans les localités et les populations mal desservies.
     
    • Les zones urbaines ne représentent que 3,6 % de la surface du Canada et environ 82 % de sa population, mais elles emploient près de 90 % de tous les physiothérapeutes du pays. Les 10 % qui restent desservent 90 % du territoire du pays, et le recrutement de physiothérapeutes dans ces centres non urbains représente un défi de taille.1 Par conséquent, dans ces régions, les patients ont un accès réduit aux ressources nécessaires pour répondre à leurs besoins en matière de physiothérapie. Cette tendance s’est accentuée avec l’arrivée de la COVID-19, qui a eu pour effet d’amplifier les problèmes d’accès aux soins et les pénuries de main-d’oeuvre existantes dans les localités rurales et nordiques, tout particulièrement dans les populations autochtones, qui ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie.2
    • Les communautés autochtones, en particulier celles qui se trouvent dans les régions nordiques éloignées, ont connu une augmentation spectaculaire du fardeau lié à la COVID-19 et de la gravité de la maladie et continuent de connaître des perturbations dans les services de soins de santé, y compris la physiothérapie.3 Alors que la télésanté et la télé-réadaptation ont été présentées comme une solution pour réduire l’écart croissant qui mine l’accès aux services de physiothérapie pour les peuples autochtones dans le contexte de la pandémie de COVID-19, d’importants obstacles de nature infrastructurelle empêchent la prestation efficace de soins virtuels. De plus, la main-d’oeuvre continue de se faire rare. Tout cela a pour effet de continuer de limiter l’accès équitable aux services de télé-réadaptation.4
       
  2. Adopter une approche ciblée pour améliorer l’accès aux services de physiothérapie, notamment en :
     
    • favorisant le recrutement et la rétention de physiothérapeutes dans les milieux ruraux et les régions éloignées du Canada et en étendant à cette profession l’exonération de remboursement du prêt d’études. Cette mesure fera en sorte qu’un plus grand nombre de physiothérapeutes qualifiés évolueront dans les régions rurales et éloignées et participeront activement à l’économie locale tout en améliorant l’accès aux services pour la population du coin
    • rendant permanente la suppression temporaire de l’exigence de référence pour le remboursement des services de physiothérapie par le Régime de soins de santé de la fonction publique. Cette mesure permettra d’accroître l’accès aux services de physiothérapie alors que nous nous remettons des pressions exercées par la flambée des cas de COVID-19, sans alourdir davantage le fardeau qui pèse sur réseau de la santé.5
    • investissant stratégiquement pour améliorer l’accès aux services de télé-réadaptation dans les communautés autochtones isolées ainsi qu’aux services de réadaptation dans les milieux ruraux, éloignés et nordiques, notamment en améliorant leur coordination.6
       
  3. Mieux intégrer les physiothérapeutes dans le cadre plus large de la planification des politiques de santé fédérales en tant que partenaire essentiel du système de santé. Cette mesure pourrait contribuer à résoudre les problèmes actuels de ressources humaines causés par la COVID-19 dans le milieu de la santé et rendre les soins interprofessionnels plus efficaces et efficients.
     
    • Les physiothérapeutes continuent de jouer un rôle essentiel pendant la phase de rétablissement après la pandémie de COVID-19. Parce qu’ils fournissent des soins et des traitements essentiels aux Canadiens afin qu’ils puissent rester mobiles, en bonne santé et actifs, les professionnels de la physiothérapie verront la demande pour leurs services augmenter au fur et à mesure que les Canadiens tourneront le dos à la COVID-19 et que se feront sentir les répercussions du report des opérations et des traitements, de l’activité physique réduite en raison de la quarantaine, de l’isolement et des restrictions physiques.7
    • Les physiothérapeutes qui travaillent à domicile et dans le secteur communautaire, y compris ceux qui font partie d’une équipe de services de soins interprofessionnels, sont bien placés pour gérer les symptômes de la COVID-19 et le rétablissement et la réadaptation après certaines formes de COVID-19, comme la COVID longue durée. Plus particulièrement, les services de physiothérapie dans le cadre du rétablissement après la COVID-19 sont utiles pour les patients, notamment quand vient le temps de sevrer les patients mis sous respiration artificielle et lors de la réadaptation physique.
    • Étant donné le rôle critique et essentiel que les physiothérapeutes continuent de jouer dans la gestion des symptômes de la COVID-19 et des symptômes post-pandémiques, nous demandons au gouvernement d’allouer des enveloppes de financement ciblées pour la recherche et de concevoir des cadres stratégiques reposant sur des services de soins intégrés et interprofessionnels afin de mieux gérer les systèmes d’affections nouvelles et émergentes, comme la COVID-19 longue durée, qui sont en hausse partout au Canada.
    • Le réseau de la santé est confronté à une crise de plus en plus critique qui touche les ressources humaines, avec des pénuries8 dans des professions de santé essentielles, comme la physiothérapie. Cette situation est particulièrement préoccupante à un moment où les Canadiens ont besoin d’avoir accès à des services de réadaptation physique pour faire face à de nombreux problèmes récurrents, notamment les répercussions de plus en plus importantes du report des opérations et des interventions médicales, l’augmentation de la douleur ou de l’inconfort général et la gestion des symptômes découlant de la COVID longue durée. À cela s’ajoutent les Canadiens souffrant d’une invalidité de longue durée ou qui ont besoin de soutien pour se rétablir de la COVID longue durée.9
    • Pour le moment, il n’existe pas d’approche claire ou cohérente à l’échelle nationale permettant aux diplômés en physiothérapie d’obtenir un permis d’exercice indépendant. Avec l’abandon de la composante clinique de l’examen de compétence en physiothérapie, les organismes de réglementation du pays ont réagi en adoptant diverses solutions provisoires qui ont laissé certains candidats sans possibilité d’obtenir un permis d’exercice indépendant, ce qui a entraîné des retards dans l’accès à la pratique, accentué les pénuries de main-d’oeuvre et les goulots d’étranglement en matière de mobilité et limité les mouvements de personnel de santé qualifié et nécessaire vers les régions rurales et nordiques du pays, où le besoin est le plus pressant.10
    • Afin d’améliorer la qualité des services de physiothérapie et de les rendre plus accessibles, il est urgent d’explorer et de mettre en oeuvre une approche nationale axée sur la délivrance de permis d’exercice qui favorise la normalisation, la transparence et la responsabilité et qui supprime la lourde exigence liée aux permis provinciaux et territoriaux distincts. Cette approche devrait aussi avoir pour but de mettre en oeuvre les dispositions du chapitre 7 de l’Accord de libre-échange canadien et d’assurer un processus prospectif dont le but est de faciliter « le déplacement des physiothérapeutes dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada11 ».

Nous pensons qu’il est extrêmement important que ces questions et les solutions que nous recommandons soient examinées, non seulement pour le secteur de la physiothérapie au Canada, mais aussi pour le bien-être des Canadiens et l’avenir du réseau de la santé.

L’ACP est heureuse de transmettre ces recommandations au Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées alors qu’il prépare des recommandations destinées au gouvernement fédéral concernant la création d’une main-d’oeuvre robuste et accessible mieux préparée aux risques liés à la COVID-19 et aux pandémies futures et soutenant les professionnels de l’économie des soins. Le Comité pourra toujours compter sur l’ACP dans ces dossiers d’actualité.


1. Le Conference Board of Canada. (mars 2017). Profil du marché des physiothérapeutes au Canada. Consulté en ligne : https://legacy.physiotherapy.ca/sites/default/files/8696_profile-of-phys…, p. 39.
2. Ibid.
3. ACP. (décembre 2020). Amplifier les iniquités : Réflexions sur la santé des Autochtones et sur la physiothérapie dans le contexte de la COVID-19. https://legacy.physiotherapy.ca/fr/blog/amplifier-les-iniquites-reflexio….
4. Ibid.
5. ACP. (mars 2022). Réponse à l’étude des effectifs du secteur de la santé au Canada – Mémoire présenté au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Consulté en ligne : https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/441/HESA/Brief/BR11673677/br…, p. 7.
6. ACP. (décembre 2020). Amplifier les iniquités : Réflexions sur la santé des Autochtones et sur la physiothérapie dans le contexte de la COVID-19. https://legacy.physiotherapy.ca/fr/blog/amplifier-les-iniquites-reflexio….
7. ACP. (août 2020). CPA HESA Submission. (en anglais seulement). Consulté en ligne : https://legacy.physiotherapy.ca/sites/default/files/hesa_aug31_final.pdf.
8. Gouvernement du Canada. (2022). Guichet-Emplois : Physiothérapeute au Canada. Consulté en ligne https://www.guichetemplois.gc.ca/rapportmarche/perspectives-profession/1….
9. Gouvernement du Canada (2022). Une vision pour transformer le système de santé publique du Canada. Consulté en ligne : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/organisation/publications/rappor….
10. ACE. (août 2021). Impacts of the COVID-19 Pandemic on Physiotherapy Employers Across Canada. (en anglais seulement) Consulté en ligne : https://legacy.physiotherapy.ca/impact-pce-delays-and-covid-physiotherap…
11. Alliance canadienne des organismes de réglementation de la physiothérapie. (2019). Protocole d’entente d’entente visant à encadrer la mobilité des professionnels de la physiothérapie au Canada Consulté en ligne : https://www.alliancept.org/wp-content/uploads/2020/11/2019-MOU-to-Suppor…